Choisissant de se conformer à la réglementation européenne, la Cour de cassation écarte les dispositions du Code du travail et juge désormais que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail :
- pour maladie non professionnelle
- et pour maladie et accident du travail au-delà d’un an.
Elle décide par ailleurs, toujours pour se conformer aux positions européennes, de limiter les possibilités pour l’employeur de faire jouer la prescription.
Acquisition des congés payés pendant la maladie
Le Code du travail ne prend en compte, pour le calcul des congés payés, ni les périodes d’absence pour maladie non professionnelle ni celles pour maladie ou accident d’origine professionnelle au-delà d’un an (art. L. 3141-3 et L. 3141-5, C. trav.).
La Cour de cassation vient de décider d’écarter partiellement les dispositions de ces articles et juge désormais que le salarié malade acquiert des congés payés pendant les périodes de suspension du contrat de travail pour maladie non professionnelle et pour accident du travail au-delà d’un an .
« 16. La cour d’appel, après avoir, à bon droit, écarté partiellement les dispositions de droit interne contraires à l’article 31, paragraphe 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, a exactement décidé que les salariés avaient acquis des droits à congé payé pendant la suspension de leur contrat de travail pour cause de maladie non professionnelle » (Cass. soc., 13 sept. 2023 n° 22-17.340) .
Point de départ du délai de prescription
La portée de cette décision a été accentuée par une décision du même jour sur les délais de prescription.
En droit français, le paiement des indemnités de congés payés étant soumis aux règles applicables au paiement des salaires (art. D 3141-7, C. trav.), l’action en paiement est soumise à la prescription triennale de l’article L 3245-1 du Code du travail applicable aux salaires. De son côté, la CJUE a jugé que la perte du droit au congé annuel payé à la fin d’une période de référence, ou d’une période de report, ne peut intervenir qu’à la condition que l’employeur ait mis le salarié en mesure d’exercer ce droit en temps utile (CJUE, 22 sept. 2022, aff. 120/21).
La Cour de cassation s’aligne sur cette position. Le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé (Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-10.529).
En pratique, il sera difficile aux employeurs de justifier que le délai de prescription a commencé à courir.
Portée des arrêts
La Cour de cassation ne pouvait, normalement, écarter les clauses du Code du travail contraires à la directive. Elle étend pourtant (comme la jurisprudence de CJUE cherche souvent à le faire) l’effet direct des « directives », alors que, précisément, la non-application à des personnes de droit privé est la caractéristique distinctive des « directives » par rapport aux « règlements européens ».
Cette volonté de la Cour de cassation d’une application directe de la directive ne peut être que totalement assumée. Il est donc difficile de penser que la Cour de cassation puisse revenir sur sa position.
Par ailleurs, alors que la jurisprudence de la Cour de cassation :
- tendait à abolir tout délai de prescription en posant des conditions limitatives au point de départ de ce délai
- elle a, suite à de nombreuses critiques, fait évoluer sa position dans les années récentes et admis plus facilement que le point de départ de la prescription ait pu commencer à courir au motif que le salarié ne pouvait ignorer ses droits.
Ces arrêts ne font que confirmer l’importance du droit européen sur les questions de durée du travail. En cette en matière, la Cour de cassation tend de plus en plus à dupliquer les règles européennes.